LA
TOUR 2004, POUR QUOI FAIRE?
Il y a une onomastique de la Tour
2004 (érigée au Champ de Mars à l'occasion du bicentenaire de l’Indépendence
nationale) qui nous dit à elle seule que le symbolisme entourant ce projet
formidable est une grande épopée.Les valeurs qui s’y rattachent semblent pour
la plupart venir d’un autre âge, d’un temps où le devoir de mémoire n’est pas
un vain mot.
Certes, il faut reconnaître que le seuil public où s’élaboraient les motifs
réels de ce projet accusait un déficit de cohésion sociale. La Tour 2004
connaît en conséquence et à fond cette gloire d’une vaine initiative personnelle
où l’affront est la forme majorée de la vie. Il y a dans cet éternel projet les
vestiges nombreux de l’amnésie plutôt que ce qui devait lier charnellement
l’Haïtien à son histoire. Et l’épopée se dégrade,depuis bientôt sept ans
, en comédie, en roman tragique, au lieu de professer de manière dialectique
dans ce qui constitue l’armature idéologique de son objet véritable,
susceptible d’apporter énergie et couleur à ses astres inconnus.
A la flamme éternelle du Nègre marron
récemment rallumée devrait pratiquement succéder la poursuite du
projet de construction de la Tour 2004 dont la dynamique se présente évidemment
comme une bataille contre l’ennemi commun. Il n’empêche que les problèmes à
l’origine du blocage systématique du projet, faciles à cerner et
peut-être à résoudre, ne cessent de s’installer dans la durée, et pour
cause.
La Tour 2004 possède une morale généreuse, une philosophie, une légende qui
la soutiennent et des impératifs catégoriques .De même qu’on ne badine
pas avec l’amour, on ne badine pas avec le symbolisme de son histoire de
peuple. L’œuvre assure la liaison entre la fin et les moyens. Elle est
l'élément dialectique qui unit dans un seul mouvement : le présent, le
passé et l’avenir. Sa légende véritable se trouve là. Et nulle part ailleurs.
C’est le mode d’expression d’une image forte, mémorable et impérissable.
Comment décider d’étudier ou d’évaluer ce projet en dehors de ce qu’il signifie
et de ce qu’il charrie pour la mémoire collective, indépendamment de son
contenu ?
Contre un certain donquichottisme, de la
synthèse hélas ! émotionnel, voire platonique, l'Haïtien devrait
s'appliquer à comprendre et à lutter pour les grandes et nobles causes. Et
celle de la décennie du bicentenaire en est une. A bien y réfléchir.
Moins terrorisée par le spectre du formalisme ou de la nécessite, la
Tour 2004, pour tout dire, ce sont des idées en forme et bien plus encore, avec
son caractère impératif interpellateur et sa puissance de motivation. Le sens
de l’œuvre encore inachevée mythifie son côté surréaliste qui constitue
précisément ses vertus.
Mais comment l’intégrer dans le projet de la reconstruction de
Port-au-Prince après le séisme du 12 janvier ? Comment lui donner son
image idéale dans un plan d’aménagement urbain ? Comment sauver les investissements
qui lui ont été consacrés ? Comment… comment ?
Le
Nouvelliste.com
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