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vendredi 3 mai 2019

Souvenance a fêté ses 203 ans au rythme des tambours et des danses traditionnelles



En toute simplicité, avec ses fils et filles, ses voisins et voisines, Lakou Souvenance Mystique, ou tout simplement « Souvenance », a fêté ses deux cents ans les 18, 19, 20 et 21 septembre 2018.
Situé à trois heures de route de Port-au-Prince et à une dizaine de kilomètres au nord-est des Gonaïves, ce haut lieu du culte vodou d’origine dahoméenne, est un espace de conservation de traditions musicales, de chorégraphies riches et originales, ainsi que de survivances linguistiques et mythologiques propres. Souvenance a fêté au rythme des tambours et des danses traditionnels qui, généralement, marquent les cérémonies et rituels de ce lieu lors des fêtes de Pâques. Toutefois, l'affluence habituelle n'était pas au rendez-vous et les dignitaires de l'Etat qui font le déplacement pour la période pascale ont, pour ce bicentenaire, brillé par leur absence. Seul un cadre du ministère de la Culture et quelques membres du Bureau National d'Ethnologie ont représenté le gouvernement à cet événement qui, pourtant, marque un moment important de l'histoire du pays. Le serviteur Bien-Aimé, chef suprême du Lakou, a fait mention de cet élément à plusieurs reprises dans ses prières, son discours de circonstance et lors de la traditionnelle "Lodyans" de clôture avec les hounsi le matin du 21 septembre. Il n'a pas manqué de souligner que Lakou Souvenance a envoyé plus d'une quarantaine d'invitations officielles à différentes institutions et autorités étatiques pour les convier à cette célébration. Il n'a cependant pas pu expliquer leur absence qui s'apparente à du mépris.
À noter que même parmi les candidats, qui ordinairement profitent de la publicité gratuite qu'offre ce genre d'événements, aucun n’a fait le déplacement. Peut-être que la faible présence des médias de presse pourrait expliquer le peu d'enthousiasme de ces personnalités publiques friandes de caméras. Souvenance, une fête dans la simplicité, selon les organisateurs Les préparatifs à la célébration du bicentenaire de Lakou Souvenance ont pu essentiellement être réalisés grâce au support des fils et filles de Souvenance, des hounsi, du Bureau National d'Ethnologie (qui a décerné une plaque d'honneur au lakou), du ministère de la Culture, et surtout grâce à la Fokal. Les festivités se sont ouvertes le vendredi 18 septembre par un défilé de rara.
 La journée du samedi a été marquée par la finale d'un tournoi de football à l'Ecole Nationale de Souvenance ; un match opposant Souvenance et Kayon (tournoi dont Souvenance a fini deuxième). La soirée s'est clôturée par une cérémonie au péristyle qui a débuté vers 8 h du soir pour se terminer à 3 h dimanche matin. Le dimanche a été une journée remplie de rituels, de discours, de danses et de couleurs. Du sacrifice des animaux à la présentation des tambours Ayizan, les initiés sont passés de la tenue blanche tachée de sang aux costumes d'apparat les unes plus colorés que les autres, avec une élégance digne de contes de fées.
Le serviteur Bien-aimé et les différents administrateurs de Lakou Souvenance ont pris la parole pour expliquer aux initiés et aux visiteurs l'importance de cette célébration. Ils ont profité de l'occasion pour faire une historique du Lakou, présenter son rôle joué dans l'histoire d'Haïti et les différentes persécutions tant politiques que religieuses dont il a été victime au cours des ans. Yvetta Noël, une hounsi de Souvenance, se dit fière d'avoir pu célébrer les 200 ans du lieu mystique. C'est pour elle un honneur de faire partie de quelque chose d'aussi grand et de compter parmi les héritières des traditions de ce Lakou. Elle félicite Souvenance d'avoir résisté malgré les persécutions, et de continuer à perpétrer la tradition. La prêtresse dit être satisfaite de la célébration et que tout ce soit bien passé. Toutefois, elle regrette deux choses : d'abord le fait que tous les hounsi et hougan du Lakou n'ont pas pu être présents à cette célébration, parce que bon nombre d'entre eux vivent dans la diaspora ; ensuite que la fête n'a pas été aussi grandiose comme pour la Pâques, faute de moyens. Yvetta pense que les retards accusés dans les préparatifs sont à la base de ces deux éléments et seront corrigés à l'avenir. Pour la vodouisante, la célébration du bicentenaire est une occasion pour Souvenance de s'affirmer une fois de plus comme un centre important de rayonnement religieux et culturel dans le pays et de se présenter comme une institution permanente, un centre stable et pérenne d’activités spirituelles. C’est un espace de conservation de traditions musicales, de chorégraphies riches et originales, ainsi que de survivances linguistiques et mythologiques propres.
 Le sanctuaire de Souvenance Mystique et ses traditions liturgiques et spirituelles représentent un témoignage exceptionnel sur les origines nationales de la religion haïtienne et sur sa préhistoire africaine. Les croyances et les pratiques dont on peut suivre aujourd’hui les observances à Souvenance offrent l’exemple unique d’une vivante continuité avec les premières époques de l’Indépendance et de la fondation de la nation et, par-delà, les éléments correspondants du patrimoine religieux dahoméen qu’avaient apportés avec eux les Noirs amenés dans la colonie.


Christopher PIERRE


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