LOTEL

vendredi 10 mai 2019

SAUT D'EAU



Saut-d'Eau, route de la foi

Tous les ans, j’allais à Saut-d’Eau pour un reportage. Cette ville de pèlerinage célèbre en Haïti attire la grande foule. Le Nouvelliste reprend ce texte publié dans ses colonnes il y a sept ans.

La ville de Saut-d'Eau communément appelée Ville-Bonheur, pour de nombreux croyants, est le lieu mystique d'Haïti où l'on se débarrasse le mieux de la déveine, de la guigne, des « madichon », des « dyòk », des « move zè ».

Des pèlerins de partout ont afflué à Saut-d'Eau à l'occasion de la Mont-Carmel, fêtée en cette ville d'eau de 50 000 âmes, dans le Plateau central. A l'entrée comme au cœur du bourg où se concentrent les édifices les plus importants de la commune, les gens se bousculent, les voitures roulent pare-choc contre pare-choc, les taxis-motos se frayent difficilement un passage dans ce brouhaha homérique, les 15 et 16 juillet. Bandes de rara, pèlerins, marchandes, hougans, mendiants, putes, éclopés se mêlent dans une foule bigarrée de carnaval que la police ne parvient pas à contenir.

Les prières, les chants dédiés à la Vierge, les rites vaudou, la musique d'Azor, le vacarme des bandes de rara, l'arôme de l'encens, le relent des cornes de boeuf, l'effluve des fritures, l’odeur de thé, des compositions de feuilles sélectionnées pour des bains de chance, le fumet exacerbé de la viande de porc éveillent les sens tout le long de la route poussiéreuse menant à la ville.

Saut-d'Eau, sol jaillissant d'eau, route de la foi, terre bénie pour de nombreux croyants venus en pèlerinage, est la Ville-Bonheur, le lieu mystique d'Haïti où l'on se débarrasse mieux de la déveine, de la guigne, des « madichon », des « dyòk », des « move zè »...
Sur les chemins qui conduisent à la cascade, au calvaire, à Palme ou à l'église, des gens, en groupes, allument des bougies soit au pied d'un arbre au tronc à moitié calciné, soit sur une pierre noire près d'une source d'eau. Ils prient, méditent, chantent, puis, l'instant d'après, plongent dans l’eau purificatrice dans l’espérance de renaître sous de favorables auspices.
A Palme, à quelques mètres d'une source d'eau, sous un manguier touffu, un taureau est sacrifié. On suspend la tête de l'animal aux yeux horrifiés à une branche de l'arbre. La chair du bœuf est partagée, distribuée le jour de la messe, aux mendiants.
A l'église Notre-Dame

Devant l'église Notre-Dame du Mont-Carmel, ils sont nombreux les mendiants en quête de nourriture qui se bousculent. Les policiers font pleuvoir sur le dos des enfants, des jeunes et des vieillards des coups de « rigwaz » ou de bâton. Chassés, ils reviennent en force vers le hougan ou la manbo qui leur distribue une pitance.
Un hougan, envahi par des mendiants, sollicite l'aide des policiers. Les agents de l'ordre utilisent agressivement leur fouet. Une femme se réclamant de la diaspora distribue des billets verts aux pauvres. Ceux-ci s'agrippent à elle, et la retiennent par les bras, par la taille, tirent sa robe. Affolée, elle appelle à l'aide. Les policiers font leur devoir.

Les handicapés, moins agressifs, envoient des signaux de détresse et font peine à voir : culs-de-jatte, unijambistes, manchots, aveugles égrènent leurs éternelles litanies. A côté d'eux, les « bòkò » font tinter des clochettes et appellent les gens qui vont assister à la messe à faire une pause au pied de leur petite chaise, le temps de tirer une carte, le temps d'allumer une bougie et de verser un peu de clairin au nom des saints et des loas.

L'enceinte de l'église Notre-Dame est pleine à craquer : officiels du gouvernement, parlementaires, fidèles prêtent l'oreille à l'homélie de Mgr Pierre-André Dumas.
A peine nommé à la tête du nouveau diocèse des Nippes, l'évêque, assisté d'une vingtaine de prêtres, a fait sa première sortie officielle lors de la patronale de Saut-d'Eau, pour clamer sa foi en Dieu et demander aux Haïtiens de s'aimer les uns les autres, de s'armer de courage et de volonté pour construire un monde d'union et de fraternité en vue de faire échec à la misère qui ronge les membres de la famille haïtienne. Il explique que le chemin de la délivrance pour tout un peuple passe par le développement, seul moyen de sortir de la bêtise, de l'ignorance et des bas-fonds de la misère.
A la Cascade
Portant costume de bain sexy comme à la plage, une femme en transe risque de se fracturer le cou dans la cascade architecturée en gradin. Ses proches la retiennent et l'emmènent loin de l'ambiance qui règne dans l'eau.
Dans l'escalier, descendant vers la cascade, un va-et-vient de pèlerins aux vêtements bigarrés et de toutes les couleurs fait penser à l'arc-en-ciel. Le site prend mystérieusement vie avec les prières, les chants et les trombes d'eau dévalant le saut où grouillent une foule de gens en quête de bénédiction.

Muni d'un morceau de savon, de bouteilles de parfum et d'une brassée de feuilles d'odeur impénétrable, Dr Chavannes vient aux pieds de Notre-Dame pour solliciter son intervention en sa faveur lors des prochaines élections. « Je veux briguer un poste au Sénat de la République. Je mettrai mon mandat sous la protection de la Vierge », clame-t-il.

Le médecin jette son slip dans l'eau saturée de vêtements abandonnés et s'en va. Demain, le jour de la fête, il continuera, dit-il, son pèlerinage à l'église et au calvaire.
Rhau Winston, représentant d'une fondation haïtienne, révèle : « Autrefois, tous les documents que je soumettais à plusieurs institutions, au nom de ma fondation, étaient rejetés. Lorsque je les ai placés sous la protection de manman Marie, toutes mes demandes ont été agréées par ces mêmes institutions », avoue-t-il.

Dans les grottes, sous les feuillages de grands arbres et sur les marches de la cascade qui se répand en nappe d'eau, Saut-d'Eau continue d'exercer son attraction mystique sur des milliers de croyants.

La ville de Saut-d'Eau, de son ancien nom Ville-Bonheur, fut fondée en 1905. Elle fut élevée au rang de commune en 1926. Elle a 4 sections communales : Rivière-Canot, La Selle, Coupe-Mardigras et Montagne-Terrible.

Claude Bernard Sérant serantclaudebernard@yahoo.fr
Auteur


vendredi 3 mai 2019

Souvenance a fêté ses 203 ans au rythme des tambours et des danses traditionnelles



En toute simplicité, avec ses fils et filles, ses voisins et voisines, Lakou Souvenance Mystique, ou tout simplement « Souvenance », a fêté ses deux cents ans les 18, 19, 20 et 21 septembre 2018.
Situé à trois heures de route de Port-au-Prince et à une dizaine de kilomètres au nord-est des Gonaïves, ce haut lieu du culte vodou d’origine dahoméenne, est un espace de conservation de traditions musicales, de chorégraphies riches et originales, ainsi que de survivances linguistiques et mythologiques propres. Souvenance a fêté au rythme des tambours et des danses traditionnels qui, généralement, marquent les cérémonies et rituels de ce lieu lors des fêtes de Pâques. Toutefois, l'affluence habituelle n'était pas au rendez-vous et les dignitaires de l'Etat qui font le déplacement pour la période pascale ont, pour ce bicentenaire, brillé par leur absence. Seul un cadre du ministère de la Culture et quelques membres du Bureau National d'Ethnologie ont représenté le gouvernement à cet événement qui, pourtant, marque un moment important de l'histoire du pays. Le serviteur Bien-Aimé, chef suprême du Lakou, a fait mention de cet élément à plusieurs reprises dans ses prières, son discours de circonstance et lors de la traditionnelle "Lodyans" de clôture avec les hounsi le matin du 21 septembre. Il n'a pas manqué de souligner que Lakou Souvenance a envoyé plus d'une quarantaine d'invitations officielles à différentes institutions et autorités étatiques pour les convier à cette célébration. Il n'a cependant pas pu expliquer leur absence qui s'apparente à du mépris.
À noter que même parmi les candidats, qui ordinairement profitent de la publicité gratuite qu'offre ce genre d'événements, aucun n’a fait le déplacement. Peut-être que la faible présence des médias de presse pourrait expliquer le peu d'enthousiasme de ces personnalités publiques friandes de caméras. Souvenance, une fête dans la simplicité, selon les organisateurs Les préparatifs à la célébration du bicentenaire de Lakou Souvenance ont pu essentiellement être réalisés grâce au support des fils et filles de Souvenance, des hounsi, du Bureau National d'Ethnologie (qui a décerné une plaque d'honneur au lakou), du ministère de la Culture, et surtout grâce à la Fokal. Les festivités se sont ouvertes le vendredi 18 septembre par un défilé de rara.
 La journée du samedi a été marquée par la finale d'un tournoi de football à l'Ecole Nationale de Souvenance ; un match opposant Souvenance et Kayon (tournoi dont Souvenance a fini deuxième). La soirée s'est clôturée par une cérémonie au péristyle qui a débuté vers 8 h du soir pour se terminer à 3 h dimanche matin. Le dimanche a été une journée remplie de rituels, de discours, de danses et de couleurs. Du sacrifice des animaux à la présentation des tambours Ayizan, les initiés sont passés de la tenue blanche tachée de sang aux costumes d'apparat les unes plus colorés que les autres, avec une élégance digne de contes de fées.
Le serviteur Bien-aimé et les différents administrateurs de Lakou Souvenance ont pris la parole pour expliquer aux initiés et aux visiteurs l'importance de cette célébration. Ils ont profité de l'occasion pour faire une historique du Lakou, présenter son rôle joué dans l'histoire d'Haïti et les différentes persécutions tant politiques que religieuses dont il a été victime au cours des ans. Yvetta Noël, une hounsi de Souvenance, se dit fière d'avoir pu célébrer les 200 ans du lieu mystique. C'est pour elle un honneur de faire partie de quelque chose d'aussi grand et de compter parmi les héritières des traditions de ce Lakou. Elle félicite Souvenance d'avoir résisté malgré les persécutions, et de continuer à perpétrer la tradition. La prêtresse dit être satisfaite de la célébration et que tout ce soit bien passé. Toutefois, elle regrette deux choses : d'abord le fait que tous les hounsi et hougan du Lakou n'ont pas pu être présents à cette célébration, parce que bon nombre d'entre eux vivent dans la diaspora ; ensuite que la fête n'a pas été aussi grandiose comme pour la Pâques, faute de moyens. Yvetta pense que les retards accusés dans les préparatifs sont à la base de ces deux éléments et seront corrigés à l'avenir. Pour la vodouisante, la célébration du bicentenaire est une occasion pour Souvenance de s'affirmer une fois de plus comme un centre important de rayonnement religieux et culturel dans le pays et de se présenter comme une institution permanente, un centre stable et pérenne d’activités spirituelles. C’est un espace de conservation de traditions musicales, de chorégraphies riches et originales, ainsi que de survivances linguistiques et mythologiques propres.
 Le sanctuaire de Souvenance Mystique et ses traditions liturgiques et spirituelles représentent un témoignage exceptionnel sur les origines nationales de la religion haïtienne et sur sa préhistoire africaine. Les croyances et les pratiques dont on peut suivre aujourd’hui les observances à Souvenance offrent l’exemple unique d’une vivante continuité avec les premières époques de l’Indépendance et de la fondation de la nation et, par-delà, les éléments correspondants du patrimoine religieux dahoméen qu’avaient apportés avec eux les Noirs amenés dans la colonie.


Christopher PIERRE


TOUR 2004 Une construction fébrile

LA TOUR 2004, POUR QUOI FAIRE?




Il y a une onomastique de la Tour 2004 (érigée au Champ de Mars à l'occasion du bicentenaire de l’Indépendence nationale) qui nous dit à elle seule que le symbolisme entourant ce projet formidable est une grande épopée.Les valeurs qui s’y rattachent semblent pour la plupart venir d’un autre âge, d’un temps où le devoir de mémoire n’est pas un vain mot.
Certes, il faut reconnaître que le seuil public où s’élaboraient les motifs réels de ce projet accusait un déficit de cohésion sociale. La Tour 2004 connaît en conséquence et à fond cette gloire d’une vaine initiative personnelle où l’affront est la forme majorée de la vie. Il y a dans cet éternel projet les vestiges nombreux de l’amnésie plutôt que ce qui devait lier charnellement l’Haïtien à son histoire.  Et l’épopée se dégrade,depuis bientôt sept ans , en comédie, en roman tragique, au lieu de professer de manière dialectique dans ce qui constitue l’armature idéologique de son objet véritable, susceptible d’apporter énergie et couleur à ses astres inconnus.
A la flamme éternelle du Nègre marron récemment rallumée devrait  pratiquement  succéder la poursuite du projet de construction de la Tour 2004 dont la dynamique se présente évidemment comme une bataille contre l’ennemi commun. Il n’empêche que les problèmes à l’origine du blocage systématique du projet,  faciles à cerner et  peut-être à résoudre, ne cessent de s’installer dans la durée, et pour cause.
La Tour 2004 possède une morale généreuse, une philosophie, une légende qui la  soutiennent et des impératifs catégoriques .De même qu’on ne badine pas avec  l’amour, on ne badine pas avec le symbolisme de son histoire de peuple. L’œuvre assure la liaison entre la fin et les moyens. Elle est l'élément dialectique qui unit dans un seul mouvement :  le présent, le passé et l’avenir. Sa légende véritable se trouve là. Et nulle part ailleurs. C’est le mode d’expression d’une  image forte, mémorable et impérissable. Comment décider d’étudier ou d’évaluer ce projet en dehors de ce qu’il signifie et de ce qu’il charrie pour la mémoire collective, indépendamment de son contenu ?
Contre un certain donquichottisme, de la synthèse hélas ! émotionnel, voire platonique, l'Haïtien devrait s'appliquer à comprendre et à lutter pour les grandes et nobles causes. Et celle de la décennie du bicentenaire en est une. A bien y réfléchir.
Moins terrorisée par le spectre du formalisme ou de  la nécessite, la Tour 2004, pour tout dire, ce sont des idées en forme et bien plus encore, avec son caractère impératif interpellateur et sa puissance de motivation. Le sens de l’œuvre encore inachevée mythifie son côté surréaliste qui constitue précisément ses  vertus.
Mais comment l’intégrer dans le projet de la reconstruction de Port-au-Prince après le séisme du 12 janvier ? Comment lui donner son image idéale dans un plan d’aménagement urbain ? Comment sauver les investissements qui lui ont été consacrés ? Comment… comment ?


Le Nouvelliste.com 

MUPANAH: Une idée magnifique



 DU PANTHEON NATIONAL HAÏTIEN (MUPANAH)

Le musée du Panthéon national haïtien est un musée situé à Port-au-Prince, capitale d'Haïti, qui présente les héros de l'Indépendance, ainsi que le patrimoine historique et culturel haïtien.

HISTORIQUE
Le musée du Panthéon national haïtien a été inauguré en 1983. Ce lieu culturel vise à perpétuer et à diffuser le souvenir des « Pères de la Patrie »1.
Une de ses principales missions est de participer à la conservation du Patrimoine et à la diffusion de la culture nationale. Le MUPANAH est une institution qui a pour fonction la conservation, la protection et la valorisation du patrimoine historique et culturel. Il participe à la formation, l'animation et la promotion de ce patrimoine ainsi qu'à l'enrichissement de son fonds documentaires et de ses collections par l'acquisition d'œuvres artistiques.

COLLECTIONS
Le musée présente des vestiges , espagnols, coloniaux, et une section consacrée aux héros de l'indépendance avec notamment le pistolet en argent avec lequel Henri Christophe se suicida et la cloche ayant servi à annoncer l'indépendance. Il renferme également des chaînes d'esclaves, des instruments de torture, des sculptures, et accueille des expositions temporaires de peintures. Autre curiosité, l'ancre de la caravelle de Christophe Colomb, la Santa Maria mesurant 4 mètres de haut2.

TREMBLEMENT DE TERRE DE 2010
À la suite du tremblement de terre de 2010 à Haïti, le bâtiment du musée a subi des dégâts d'une ampleur modérée en raison de sa configuration semi-enterrée, moins sujet aux destructions que des immeubles en hauteur3.


                                                                                                                     www.wikipedia.com